Coups De Poings Dans Le Rétro (chapitre XXI)

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Un championnat du monde sur fond racial

L’invaincu Larry «Easton Assassin» Holmes est le champion du monde WBC des poids lourds depuis sa victoire sur Ken Norton le 9 juin 1978 au Caesars Palace de Las Vegas. Ancien sparring partner puis tombeur et digne successeur de Muhammed Ali dans la lignée des grands champions du monde de la catégorie reine, Holmes, en 1982, alors âgé de 33 ans, est à son apogée et boxe au moins trois fois par an. Cette même année, il se voit défendre son titre contre un challenger, jusqu’alors, invaincu lui aussi, Gerry Cooney.

Cooney, invaincu en 25 combats, est vu comme « le grand espoir blanc ». Il débute sa carrière professionnelle en février 1977. Il effectuera 22 combats en autant de victoires, dont 17 avant la limite. Aux États-Unis, pour l’époque, c’est le boxeur parfait pour aller conquérir le titre de champion du monde des poids lourds, qui n’a plus été détenu par un blanc depuis les années 1950. Après avoir mis KO plusieurs boxeurs de seconde zone, le 25 mai 1980, il bat Jimmy Young par KO dans la 4ème reprise. Quelques mois plus tard, le 24 octobre, il bat Ron Lyle par KO dans la 1ère reprise. Le 11 mai 1981, Cooney bat l’ancien champion du monde Ken Norton par KO dans la 1ère reprise. A la suite de cette victoire, il est donc considéré comme un sérieux prétendant au titre.

L’évènement va se construire autour d’un immense déploiement marketing et médiatique, et surtout sur un fond raciste. Don King a excellé dans l’art d’attiser les passions sur cet indémodable « boxeur blanc qui va affronter un boxeur noir » aidé par le co-promoteur de Cooney, Dennis Rappaport qui dira :

« Je ne respecte pas Larry Holmes en tant qu’être humain. Je ne pense pas qu’il est porté le championnat du monde avec dignté ».

Ce combat allait engendré des gains colossaux pour l’époque, et les tensions raciales étaient palpables à tel point qu’une bagarre a éclaté devant les caméras d’ABC, aboutit à des menaces de mort à l’encontre du champion du monde Larry Holmes de la part des groupes suprématistes blancs puis des activistes noirs vis-à-vis du challenger. Encore plus fort dans l’absurdité, c’est qu’une ligne téléphonique directe est installée dans le vestiaire de Cooney pour recevoir les félicitations de la Maison Blanche en direct, espérant qu’un blanc reprenne la suprématie dans la catégorie reine. Ces tensions sur fond racial avaient déjà eu lieu quand Jack Johnson, le premier Noir champion du monde des poids lourds, avait battu Jim Jeffries, lui aussi étiqueté à l’époque de « le grand espoir blanc ». A l’exception de l’ère de Rocky Marciano, des Noirs se sont succédés au titre de champions du monde. Avec ce duel entre Holmes et Cooney, les États-Unis montrent qu’ils n’ont pas évolué dans leur mentalité dans les années 80.

Duel d’invaincus sous haute tension :

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Ce combat très attendu a lieu au Ceasars Palace de Las Vegas le 11 juin 1982, dans la ligne de mire de snipers déployés sur les toits aux alentours du ring. D’ailleurs, lors de cet évènement, Larry Merchant, commentateur de la chaine HBO, avait affirmé ne pas se sentir en sécurité :

« le sentiment de danger était palpable ».

Généralement, il est coutume de présenter le challenger en premier, et ensuite le champion du monde. Pour ce combat, c’est l’inverse qui se produit. La présentation des deux boxeurs s’est faite sous les huées du public. Cette annonce a été considéré comme honteuse et irrespectueuse envers Holmes, le champion du monde, par la communauté de la boxe, certains pensant même que c’était sans précédant. Ce championnat du monde étant sous haute surveillance étant donné le contexte, il n’en fallait donc peu pour être à l’affut du moindre détail.

Malgré cela, les deux boxeurs, opposés par leur style, ont livré un grand combat, donnant une bien belle leçon sur l’esprit sportif. Un beau championnat du monde dans la catégorie reine âprement disputé. Ce sera d’ailleurs la meilleure performance de Gerry Cooney de toute sa carrière.

Dès le début du combat, l’action est au rendez-vous. Larry Holmes remporte les deux premières reprises, envoyant même Cooney à terre à la fin de la deuxième reprise. Cooney se ressaisit dans les cooney-Larryreprises suivantes, avançant sur le champion, le travaillant au corps avec de lourds crochets du gauche et remontant à la face. A plusieurs reprises Holmes est ébranlé. «The Easton Assassin» fait preuve de patience, utilise beaucoup son jab, et domine dans les échanges.  Cooney sera blessé (œil fermé et coupure sur le nez). À la fin de la 6ème reprise, le challenger est proche d’aller au tapis. Malgré tout, il repart à l’assaut et restera l’agresseur dans les reprises suivantes et Holmes va exceller dans les contres. À trois reprises, Cooney sera pénalisé pour coups bas. La 10ème reprise sera particulièrement acharnée et violente entre les boxeurs qui se sont donnés coups pour coups. À partir de la fin de la 11ème reprise, Cooney commence à fatiguer et reçoit de plus en plus de jabs. Il touche de moins en moins souvent et perd en efficacité. Dans la 13ème reprise, Holmes assène une série de coups à son adversaire qui, ébranlé, ne peut répliquer. L’arbitre le compte et Victor Valle, l’entraineur de Gerry Cooney, monte sur le ring. L’arbitre, Mills Lane, arrête donc le combat. A l’arrêt du combat, les pointages des juges étaient très serrés.

Larry Holmes conserve donc sa ceinture mondiale des poids lourds et Gerry Cooney enregistre la première défaite de sa carrière.

De ce combat, qui avait suscité l’intérêt du public en raison du fort battage médiatique sur fond racial bien orchestré par Don King et Dennis Rappaport, est née une amitié entre les deux boxeurs.

 

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11 réflexions sur “Coups De Poings Dans Le Rétro (chapitre XXI)

  1. génial de nous rappelez ce combat historique et le contexte aussi. D’accord avec les autres, combat à voir ou à revoir dans la lignée des grands fights de l’époque.

  2. Cette rubrique « coups de poings dans le rétro » c’est une très bonne idée. On a du mal à trouver des articles sur des combats de légendes ou boxeur de légende autres que Ali-Frazier, Ali-Foreman et les 4 fantastiques. Dommage car il y a tous ces combats qui ont marqué l’histoire. C’est super. Je ne connaissais pas ce combat. Je vais allez voir ça sur youtube.
    Ce blog est génial car j’y découvre des choses sur l’histoire de la boxe ainsi que des combats. Moi ça fait seulement (environ) 8-10 ans que je regarde la boxe, et c’est cool de découvrir autre chose que ces combats d’aujourd’hui qui nous font à peine vibrer.

  3. « I didn’t fight this fight for the blacks, the whites or the Spanish, I fought the fight for the people. We’re all God’s children. I don’t see color. I’m not a racist When I look at Gerry Cooney, I just see a man trying to take my head off ».

    1. Une phrase sensée de Larry Holmes. Les deux boxeurs ont été grands devant ce contexte racial après le combat. Une belle leçon pour ces politicards

  4. Un combat historique dans la lignée des Johnson-Jeffries et Louis-Scmelling. Et la encore, deux boxeurs qui sortent grandi et qui donnent une leçon de morale au delà des préjugés raciaux. Bravo pour cette article.

  5. Holmes avait du la jouer tactique pour venir à bout de Cooney car ça frappait en face. La patience de Holmes a payé. Les deux boxeurs ont fait honneur à l’éthique sportive ce soir là. A voir absolument, rien à voir avec un pathétique Klitschko-Fury, je vous le dis.

  6. Holmes-Cooney avait été un événement médiatique énorme à l époque et a engendré des recettes colossales aussi. Je me souviens de ce combat. Malheureusement, les USA toujours à la masse avec leur racisme. Même si Holmes n’a pas subi la même chose que Johnson, ça dû être dur à vivre pour lui cette période. Et le coup de téléphone du président US relié direct au vestiaire de Cooney, la honte. Je vais me revisionner le combat avec plaisir car ça fait longtemps. Je vus le conseille à tous ce combat.

  7. Voila ce que j’aime avec ce blog, c’est qu’il est complet. On y trouve quasiment tout avec des bons articles 🙂
    Holmes-Cooney, quel combat épique. Un combat de légende.

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